Tempêtes & bébés phoques

Mercredi 21 Septembre 2022

Le catabatique souffle en tempête pour la 4ème fois depuis le début du mois. Cela fait 5 jours que le soleil ne nous accorde que de courtes apparitions entre deux Altocumulus. Toutes ces journées de mauvais temps n’ont pas vraiment permis de profiter des jours qui s’allongent… C’est un peu frustrant, mais c’est bien évidemment aussi ça l’Antarctique. La DZ de la base haute est désormais recouverte par une épaisse congère.

Pourtant à une vingtaine de mètres seulement, le séjour est à peine visible depuis les fenêtres du laboratoire de géophysique, noyé dans le blizzard. Dans l’atelier de GéoPhy, Iban prend un peu de temps pour m’initier aux arcanes de la modélisation 3D. Suivant ses conseils avisés, je trace les contours d’une branche de lunettes de soleil, cassée quelques mois auparavant. Après 2h de travail, le prototype semble être mûr pour une première impression de test. Une fois la forme traduite dans un langage compréhensible par l’imprimante, il suffit de transmettre le fichier par le biais d’une simple carte SD et de lancer l’impression !

Trois quarts d’heure plus tard, la pièce est prête. C’est assez bluffant de se retrouver avec ce morceau de plastique dans les mains, comme sorti de l’écran ! Après quelques ajustements sur la charnière, le mécanisme est optimisé et opérationnel.

Les hivernants sont tous passionnés par leur métier. Le rythme plus mesuré de l’hivernage permet de partager ces savoir-faire et d’apprendre de nouvelles choses… Bref, contrairement à ce qu’on pourrait penser, on ne s’ennuie pas souvent jamais en Antarctique !

Mercredi 28 Septembre 2022
L’escalier de neige pour descendre au dortoir hiver, le « 42« 

Aujourd’hui, le vent s’est tu et les nuages ont décidé de nous laisser un peu de répit. Dans la lumière déjà aveuglante du matin, l’archipel est plongé dans un calme bienvenu. La pointe Ebba se découpe nettement à l’Ouest, pourtant situé à 20km de DDU. Même les pétrels des neiges profitent de ce silence relatif… Pour l’instant, ils ont cessé de se disputer à grands renforts de cris rocailleux. Depuis le milieu du mois, une quantité impressionnante de neige s’est rajoutée aux congères déjà imposantes sur le cœur de la station. La pente qui descend à l’entrée du dortoir hiver est désormais quasiment à pic ! Il faut réellement l’escalader pour rejoindre le séjour. Pour la descente, nombreux sont les adeptes du « Tobocongère« . Sans précipitations neigeuses prévues avant au moins une semaine, les travaux de déneigement s’engagent un peu partout sur les axes névralgiques de la base.

Le modeste mur de neige qui marque la fin abrupte du domaine catabatique a fini par se retirer à l’intérieur du continent. Nous sommes un petit groupe à avoir répondu à l’appel de Jimmy pour partir checker l’identité des phoques aperçus dans la matinée. Même avec un équipement léger, il fait presque trop chaud sur la banquise… Sans vent, les -10°C ambiants sont largement supportables avec une simple polaire.

Nous rejoignons une première rivière à l’arrière du ToboBerg. Surprise ! Blotti à côté du corps massif de sa mère, une petite silhouette aplatie se réchauffe au soleil. Le premier veau de l’archipel est né avec deux semaines d’avance par rapport à l’année dernière. Son arrivée dans le monde glacé de l’Antarctique est toute récente, des traces de sang et de placenta parsèment la banquise un peu plus loin. C’est un instant très émouvant… Le petit phoque lève les yeux vers nous, avant que sa mère ne le couvre de sa nageoire dans un geste protecteur. Nous les laissons profiter de cette sieste bien méritée.

Un Weddell nouveau-né

Un peu plus loin, un phoque Crabier se repose lui aussi sur la banquise, une petite bosse de glace en guise d’oreiller. Plus petit que les Weddell, la tête des Crabiers est plus allongée et évoque celle d’un grand chien. Habitants du pack, ils sont plus communs en Antarctique que leurs cousins Weddell qui préfèrent la banquise. Le pelage brun clair de la femelle luit au soleil, alors qu’elle baille nonchalamment vers le ciel. De sa nageoire, elle se gratte les côtes avant de piquer un nouveau somme.

Samedi 1er Octobre 2022

Comparaison des images satellites Sentinel-2 (False Color) entre les 14 et 28 septembre 2022, via Copernicus/Sentinel Hub (Clic sur le rond central pour faire glisser le volet)

Ça y est, nous entamons le dernier mois d’hivernage. Le premier manchot Adélie est arrivé sur Pétrels avant-hier. Pour l’instant, il n’est là qu’en éclaireur, mais le gros des troupes devrait arriver d’ici deux semaines. Avec le grand soleil de ces derniers jours et des températures proches des -10°C, l’été commence définitivement à pointer le bout de son nez. La 5ème et dernière tempête du mois (!), baptisée Loïc en hommage à notre OnzeTA mécanicien, a encore bien grignoté notre banquise… Il n’en reste plus qu’un arc de cercle d’une dizaine de kilomètres, encore accroché au continent autour de l’archipel. Je profite de ces moments de grand calme avant que le cycle ne se boucle…

Escadron de Pétrels des Neiges

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