Vendredi 26 août 2022
Nicolas, Emmanuel et moi avons traversé les quelques mètres de banquise qui séparent l’abri côtier du Lion afin de prendre quelques photos de la nuit sans lune. Nous nous hâtons d’installer les trépieds devant l’alignement des conteneurs. Le léger vent de Sud ne va pas forcir ce soir, mais il commence déjà à glacer nos mains affairées à faire la mise au point. Une fois l’intervallomètre lancé, nous pouvons profiter du spectacle. Manu effectue une pose longue avec son reflex argentique… Il n’en connaîtra le résultat que dans quelques jours lors du développement.
Au nord-Est, les lueurs vertes et pourpres d’une faible aurore ondulent sur l’horizon, à peine visibles. Les lumières des passerelles et les fenêtres du 42 s’allument et s’éteignent au gré des allées et venues. Tour à tour, la glace de la banquise et le métal des conteneurs craquent. Mars se lève au-dessus de l’île Bernard, solitaire et rouge comme à son habitude.
Mercredi 31 août 2022
Le catabatique souffle modérément ce soir, mais le mercure n’indique que -16°C. Abrité derrière le shelter Chantal, j’essaie tant bien que mal de retrouver le grand nuage de Magellan sur l’écran de l’appareil photo. En choisissant cette position un peu excentrée par rapport au cœur de la station, l’opération est facilitée par l’absence de pollution lumineuse. Au-dessus de la pointe Ebba, un fin croissant de lune amorce sa descente vers la calotte glaciaire. La piste d’aviation de D10 ne sera pourtant en service que dans 2 mois…
Grand nuage de Magellan
Le résultat final après traitement est de nouveau assez encourageant. Le Wikipedia de l’intranet permet même de reconnaître quelques structures caractéristiques autour de cette « petite » constellation. En 1503, le navigateur florentin Amerigo Vespucci avait décrit « trois objets célestes remarquables, deux lumineux et un obscur » dans le journal de bord de son 3ème voyage : les deux nuages de Magellan et le Sac à Charbon.
Jeudi 1er septembre 2022
La lumière du soleil se fait de plus en plus aveuglante chaque jour. L’après-midi, les hivernants ressortent les lunettes de soleil du placard. L’ouverture de la grande polynie à une quinzaine de kilomètres au Nord-Est de la station semble permettre aux manchots de se relayer plus fréquemment. Le trafic ne cesse d’augmenter dans le chenal du Lion, les colonnes se succèdent désormais sans temps mort. Bientôt, les poussins seront assez forts pour se rassembler en crèches. Dès lors, les parents n’auront plus besoin de se relayer pour veiller sur leur progéniture, doublant ainsi le rythme de nourrissage.
La station sort doucement de l’apparente torpeur dans laquelle l’hivernage l’avait plongé. On déshiverne des véhicules supplémentaires, on dame une grande route de Pétrels à Prudhomme à travers la banquise, on planifie les transferts de carburant entre le Lion et la base annexe Robert Guillard… Il faut savoir composer avec les impératifs de la vie en collectivité, la fatigue qui commence à s’accumuler et ces échéances techniques qui se rapprochent. Pour continuer à filer la métaphore du marathon, nous voilà au pied du mur du 30ème kilomètre…
Profitez bien de cette fin d’hivernage… la tête dans les étoiles !!