Foule au Nunatak

Jeudi 21 Avril 2022

Peu avant 17h, les isobares et barbules de vent s’animent sur les écrans du poste de prévision, à mesure que les données de modélisation arrivent sur le serveur de la station. A la fenêtre, le ciel est encore resté gris et morne aujourd’hui sous une épaisse couche de Stratocumulus. Cela fait maintenant 3 jours de suite que le pyranomètre n’a pas relevé une seule minute d’insolation. Soudain, une lueur orangée commence à poindre au Nord. En se faufilant quelques minutes entre le plafond cotonneux et les icebergs, le soleil réchauffe un peu l’ambiance de notre petit bout de planète. Les ombres s’allongent aux pieds des petits groupes de manchots Empereurs en vadrouille sur la banquise. Plus loin, le nilas qui recouvre la mer finit par s’enflammer lui aussi quelques secondes. Pas question de tourner les talons pour aller récupérer le reflex, le moment est trop précieux. Avides de soleil, les hivernants sortent admirer l’un des plus beaux couchers de soleil depuis notre arrivée…

Incroyables lumières
Dimanche 24 Avril 2022

Depuis le sommet du Nunatak, l’ampleur de la colonie est impressionnante. La neige dure crisse sous les pas de milliers de pattes griffues. Laurent vérifie le niveau de charge des batteries alimentant la caméra d’observation, ainsi que celles de la petite station météo placée au plus près de la manchotière. Le vent est plutôt faible, ce qui rend les -20°C ambiants assez facilement supportables. Cependant, à la moindre rafale, la peau exposée subit immédiatement la morsure du froid. Après avoir pris quelques photos, je remet bien vite mes grosses moufles pour récupérer quelques sensations au bout des doigts.

Un curieux nous attend au pied du promontoire rocheux et vient à notre rencontre. Nous le laissons approcher sans bouger, accroupis pour ne pas l’effaroucher. Immobilisé à moins d’un mètre, l’Empereur nous examine d’un air inquisiteur. Il tente de nous interpeller d’un coup de trompe… Nous restons ainsi, silencieux et quasiment immobiles pendant 5 bonnes minutes. La patience proverbiale de l’animal a raison de notre résistance au froid et c’est finalement nous qui choisissons de nous éloigner prudemment.

Soulevée par les rafales qui descendent directement du glacier de l’Astrolabe, la neige serpente sur les gravillons de la piste du Lion. Cet après-midi, le vent du continent a fini par se lever. La poudreuse se faufile en sifflant entre nos bottes. Des congères de neige compacte se sont formées devant les containers. Au bout de l’île artificielle, d’antiques engins des expéditions polaires endurent stoïquement les sévices du vent, du froid et des embruns. Leur peinture s’écaille et pâlit sous les UVs, mais la rouille progresse relativement lentement grâce à la faible humidité de l’atmosphère.
La banquise encercle désormais tout l’archipel mais les fortes marées de ces derniers jours ont fracturé la glace le long des berges. Il s’agit de rester prudents pour rejoindre les rochers depuis la banquise.

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