Premier blizzard

Jeudi 06/01/22

Les épais flocons dansent dans les bourrasques de l’autre côté du double vitrage. Dehors, quelques petites silhouettes circulent maladroitement dans la tourmente, régulièrement déséquilibrées par les rafales. Entre deux bordées de neige, on aperçoit les autres manchots qui restent arcboutés au-dessus de leur nid, tentant de protéger tant bien que mal leur progéniture des intempéries.

Tant que les précipitations restent neigeuses, la majorité des petits survivront à la tempête. Mais si des gouttes de pluie verglaçante se mêlent aux flocons, le duvet des jeunes manchots pourrait se mouiller puis rapidement geler, les laissant ainsi sans protection face au froid polaire. Une telle situation ne serait pas inédite et souvent, peu en réchappent. Ainsi, l’impressionnante vitesse de croissance des poussins Adélie s’apparente à une course effrénée pour l’indépendance thermique, la clé de la survie dans ces conditions extrêmes à deux pas du désert Antarctique.

Déjà grands…

En observant le blizzard et ses prisonniers à travers le hublot de la chambre, je me dit que les véritables « héros polaires » ne portent décidément pas de charentaises…

Dimanche 09/01/22

Cela fait désormais un mois jour pour jour que nous avons posé le pied sur l’île des Pétrels. Un mois que nous avons plongé dans cet univers radicalement différent de celui que nous avons mis en attente de l’autre côté de la banquise. Personnellement, ces quelques semaines m’ont paru défiler à toute allure. Et dans le même temps, avec déjà tant de petites aventures vécues en ces lieux, il me semble y habiter depuis longtemps.

Face à face

Ce « paradoxe temporel » n’est pas le seul de ce genre ici. La vie quotidienne est finalement plutôt banale, entre les nécessaires corvées du service base et les tâches bien réglées de la vacation météo… Mais il suffit de regarder par la fenêtre, de lever les yeux de son écran pour se retrouver directement face aux paysages farouches qui nous entourent. En particulier, le ballet des icebergs sur l’horizon, d’une lenteur pourtant indiscernable, garde encore pour moi un exotisme fascinant.

Sur les pas de nos portes, la vie sauvage se déroule sans trop de considération pour notre présence. Il suffit de s’arrêter sur une passerelle pour observer le face à face muet d’un manchot Adélie et d’un skua, la naissance d’un des derniers poussin de la colonie… C’est un luxe d’être aussi facilement spectateur de ces petites histoires.

Le retour de l’Astrolabe pour la rotation R2 a de nouveau augmenté l’activité de la base. Certains scientifiques sont arrivés avec le brise-glace il y a quelques jours et repartent avec lui la semaine prochaine. Alors qu’ils courent contre la montre pour boucler tout leurs protocoles et profiter de l’expérience antarctique dans cette fenêtre temporelle réduite, il s’agit pour les hivernants de ne pas se laisser entraîner dans ce rythme de vie up-tempo

Un damier passe devant le glacier de l’Astrolabe

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