Mardi 21 Décembre
Après le repas, je m’octroie une petite balade vespérale en descendant la piste vers le hangar bleu. La lumière s’adoucit lentement à l’approche des heures dorées, qui ici se conjuguent au pluriel. Depuis deux jours, les piaillements des poussins Adélie sont de plus en plus nombreux. En effet, le pic d’éclosion tant attendu a eu lieu hier. En patientant un peu sur les passerelles qui surplombent les manchotières, on finit par apercevoir les petites boules de duvet gris qui se blotissent à l’abri du plumage de leurs parents.
Les pétrels des neiges jouent avec leur ombre le long des falaises alentour. Les manchots se dandinent en file indienne le long des petits sentiers creusés dans la neige qui se tasse un peu plus à chaque passage. Probablement pressés de rejoindre leur progéniture, un courageux décide de tenter le grand saut plutôt que de contourner la crevasse, sous le regard impressionné de ses congénères…
Vendredi 24 Décembre
L’empereur juvénile s’éloigne maladroitement en trébuchant sur la surface inégale de la banquise. C’est une de nos dernières rencontre avec cette espèce avant le retour des adultes au début de l’hiver prochain. Difficile de ne pas ressentir un peu de pitié à son égard. S’il ne se décide pas bientôt à rejoindre la mer, il va probablement finir par mourir de faim. Dans ce cas, il servira probablement de repas aux skuas et à leurs petits dont la naissance est également attendue sous peu.
Après encore une demi-heure de progression assez rapide, nous prenons finalement pied sur la partie orientale du Nunatak du Bon Docteur. Il serait plus court de tracer directement au pied de l’affleurement rocheux, mais une grande crevasse court parallèlement au bas du relief. C’est une zone piégeuse car propice à la formation de ponts de neige. Nous l’avons donc soigneusement évité. Notre petite expédition est accueillie par les cris d’un couple de skuas, bien décidés à défendre leur territoire becs et serres. A tour de rôle, ils se relaient pour planer au ras de nos têtes, essayant au passage d’asséner un coup de patte bien senti. Tout en surveillant les rapaces, j’aperçois du coin de l’œil le gros œuf vert marbré de noir qui repose dans une petite dépression de gravier.
L’antenne, objectif de la sortie, nous attends de l’autre côté des rochers. Elle compte le passage des manchots Adélie porteurs d’un transpondeur depuis environ une semaine. Iban s’attèle à dégager les pierres qui la maintiennent en place. En chauffant au soleil, celles-ci se sont enfoncées dans la neige, qui a ensuite regelé en formant une solide gangue de glace… Après dix bonnes minutes de coups de piolets (plus ou moins précautionneux afin d’éviter de sectionner le câble), nous arrivons finalement à démonter le dispositif et à le charger dans la pulka.
Une heure et demie plus tard, Gérald pose la dernière pierre derrière le panneau solaire. Ainsi lesté, il devrait résister à une éventuelle tempête sans dévaler la longue pente de l’île Rostand. Nous devions initialement déplacer le dispositif sur l’île Lamarck mais la traversée de banquise s’est révélée impossible. Les mares de fontes qui se sont formées depuis quelques jours rendent le terrain difficilement praticable, surtout pour y tirer une charge.
May-Li propose de profiter de notre avance sur l’horaire pour profiter un peu de la vue depuis le Signal. Le panorama est grandiose : au premier plan un skua surveille les nids des Adélie posé au sommet d’un piton rocheux, judicieusement baptisé la molaire. Au loin, un groupe de phoques lézardent au soleil sur la plaine de glace qui s’étend encore pour quelques semaines derrière le Mauguen. Vous l’aurez désormais compris, la Terre Adélie, c’est beau !
Belle et douce Année à vous… je ne suis pas la fortiche des blogs. Je découvre. Si vous croisez un jurassien Nico avec un bonnet Transju….jura…. des mille bisous à vous