Naissances au Nunatak

Lundi 11 Juillet 2022

Nombreux sont les fronts neigeux qui ont glissé au large de la Terre Adélie pendant la première moitié de l’hivernage, la station ne bénéficiant finalement que de maigres quantités de précipitations. Mais depuis la Mid-Winter, la météo a changé de braquet. Pas une semaine ne passe sans un épisode de neige significatif. Ainsi, le matériel de déneigement qui avait été entreposé dans les recoins de la base a repris du service. Tous les hivernants sont mis à contribution pour déneiger les passerelles et les différents accès aux bâtiments névralgiques tels que la centrale, le séjour, le frigo. Si elle est pelletée sans trop attendre, la neige reste très légère, grâce aux températures extrêmement basses.

Mais l’huile de coude ne suffit pas pour certaines congères particulièrement hautes, comme celle qui barre la route entre la DZ et la centrale… Il faut alors sortir l’artillerie lourde ! Et ce n’est pas pour déplaire à Loïc, notre mécanicien, qui vit ici l’un de ses rêves de gosse : piloter une dameuse en Antarctique.

Alors que l’on s’affaire à tailler des marches dans la grande congère devant le dortoir hiver, le soleil se faufile pour quelques minutes entre la couche de nuages et la banquise. Dans l’atmosphère encore saturée de paillettes de glace, la lumière rose du coucher de soleil s’élance soudain vers le ciel sous la forme d’un large pilier. Celui-ci semble soutenir la voûte d’Altocumulus qui le surplombe. Les travaux de déneigement s’interrompent quelques minutes pour permettre d’admirer le phénomène, et tenter de l’immortaliser.

Nicolas capture l’instant
Mercredi 13 Juillet 2022

L’objectif du jour est d’aller rendre visite aux Empereurs nouveaux-nés, de plus en plus nombreux. Après une petite heure de pelletage pour déneiger les antennes destinées à compter les allers et venues entre le large et la colonie, nous nous postons sur les affleurements rocheux qui surplombent la colonie. Le vent a un peu forci entretemps, d’autant qu’il accélère en sautant par dessus le relief.

Dans la lumière chichement dispensée par les Stratus, il n’est pas facile de saisir les rares instants où les petites têtes noires et blanches s’aventurent en dehors de leur poche protectrice… Et puis finalement, les flocons finissent par givrer sur nos objectifs, signant la fin de la session de photographie. Les conditions extérieures sont décidément très exigeantes pour le matériel ici. Face au vent glacé, les larmes nous montent aux yeux avant de geler sur nos cils. Avec un peu de persévérance, nous réussissons malgré tout à observer furtivement quelques poussins.

Dimanche 17 Juillet 2022
La colonie dans la pénombre du Nunatak, sur fond d’Antarctique illuminée par le couchant.

Cette fois, les conditions d’observations sont idéales : un ciel bien dégagé, un léger flux de Nord-Ouest. Quelques fumerolles de poudreuse diaphanes s’élèvent encore au-dessus de l’horizon, seules réminiscences du coup de vent de la nuit passée. Les femelles sont nombreuses à revenir de la pêche aujourd’hui, pour prendre la relève de leur partenaire… Mais le retrouver parmi les quelques 3000 mâles n’est pas une mince affaire ! Tout est question d’ouïe : après un bref coup de trompette en guise d’introduction, les femelles entonnent leur grand chant saccadé. Le rythme de celui-ci est propre à chaque individu. Ce signal permet au partenaire de réaliser que le moment du retour tant attendu est enfin arrivé. A son tour, il lève la tête et répond par des vocalises, au tempo plus lent. Forte de ces indications, la femelle rentre alors dans la mêlée pour retrouver son partenaire.

Après quelques minutes de danse pour célébrer les retrouvailles, le mâle relève le bourrelet de plumes protecteur pour faire les présentations. Le petit poussin sort la tête timidement. La scène est particulièrement émouvante à observer.

En l’absence de vent risquant de les refroidir, les poussins se montrent plus téméraires… Ils sont aussi poussés par la faim et leurs pépiements se détachent clairement au milieu des appels incessants des adultes. Comme pour leurs cousins Adélie, ils sont lancés dans un contre-la-montre engagé dès leur éclosion. Les poussins doivent grandir (très) rapidement afin de devenir thermiquement indépendants le plus tôt possible. Pour l’heure, ils sont tout petits et n’ont pas encore revêtu leur élégant manteau de duvet gris. Ils n’en demeurent pas moins particulièrement beaux, avec leur joli masque blanc et noir déjà bien dessiné.

Les après-midi s’allongent, permettant aux Adéliens de s’attarder un peu plus sur la banquise. Rien n’est plus beau que les couchers de soleil sur ce désert de glace, un jour d’accalmie. En remontant sur Pétrels par la rampe du Cap des Barres, nous nous arrêtons quelques instants pour contempler ce panorama grandiose. Nous en sommes les seuls témoins pour 3 mois encore.

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